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La momie de l'île Itchiboë.


Il fut un temps, pas si éloigné que cela, ou la préservation exceptionnelle d’un corps, que ce soit par la main de l’homme ou par des causes dites "naturelles", intéressait suffisamment le public pour que des expositions itinérantes de "momies" circulent à travers le monde. Le public se déplaçait nombreux pour admirer les restes préservés provenant de civilisations et de contrées inconnues ou mythiques. En 1864 l’une de ces momies un peu particulière traversa l’Europe. C’est son histoire que nous allons vous conter aujourd’hui car elle permet de mettre en valeur une condition bien particulière de préservation des corps dans un milieu naturel.

La momie en question provient d’une île située tout contre la côte africaine et qui porte le nom d’île Itchiboë (latitude 26°, 24 sud, longitude 14°, 55 est, 15 miles au nord de Angra Requina et 36 milles au sud de l’île Mercury). L’île présente peu d’intérêt à proprement parlé (en tant que site d’implantation humaine), ses côtes sont escarpées et dangereuses, il n’y a pas d’eau potable exploitable sur le site et les ressources de première nécessité sont peu nombreuses voire inexistantes. Le pouvoir d'attraction de cette île est donc resté très faible pendant une grande partie de son histoire et une faune nombreuse s’y est installée en toute tranquillité.  Du moins jusqu’au développement du commerce de Guano. En effet cette ressource naturelle présente en grande quantité sur l’île et facilement exploitable prit un essor important au XIXème siècle. Essor essentiellement dû à ses capacités fertilisantes. L’exploitation de cette matière se met donc en place (en majeur partie par des commerçants anglais). Des navires faisaient fréquemment le voyage pour ramener en Europe ce guano si recherché.

Il existe deux versions distinctes de la découverte de la momie mais, bien que ces versions donnent un "découvreur" diffèrent, elles présentent la même base.
Ainsi dans la première histoire (celle qui restera le plus fiable aux yeux des contemporains de la découverte) le capitaine Wethers commandant le Colchester se rendit sur l’île Itchioë afin de remplir ses cales de fertilisant pour les ramener en Angleterre. Ses marins lors de la récolte découvrirent à 40 pieds de la surface un hamac tissé en épais canevas. En le déroulant un corps parfaitement conservé apparu. Dans le hamac se trouvait également une douve de tonneau grossièrement gravée des mots "Cristopher Delano 1721". Cette inscription (si le relevé en est exacte) permis de donner un nom à la dépouille. Se basant sur le fait qu’une bataille maritime opposa des pirates à la flotte anglaise au XVIIIème siècle dans les environs immédiats de l’île, la sagesse populaire fit du nouvellement nommé Cristopher Delano, au choix : un pirate sanguinaire mort dans l’affrontement ou un marchant malheureux mort sous les coups d’un pirate. Le capitaine Wethers ramena la momie en Angleterre et la vendit une belle somme à un représentant américain de passage. Elle fut apparemment étudiée et exposée par le british museum (aucune trace ne subsista pourtant de cette étude citée dans le catalogue qui servi a l’exposition de la momie plus tard).

Dans la seconde version de l’histoire de la découverte de la momie un capitaine français commandant le navire "La Mariposa" découvra le 27 janvier 1844 le corps de Cristopher Delano dans les mêmes conditions que le capitaine Wethers. Il laissa le corps conservé sur le haut de l’île ou le capitaine anglais l’aurait dérobé et en aurait fait sa découverte, usurpant le mérite devant revenir au capitaine français. A partir de 1864 la trace de Cristopher Delano se suit sans difficulté dans les journaux européens et ainsi en France la momie est présentée et remporte un important succès populaire au Havre, à Paris et à Lyon. De nombreux scientiques et conservateurs de musées se pressent également  pour l’admirer. Ainsi monsieur Lennier, le conservateur du musée d’histoire naturelle du Havre dit au sujet de la momie : "son état de conservation est parfait, et la couche peu épaisse de matières étrangères qui l’enveloppe suffit pour lui enlever l’aspect cadavérique, tout en le rendant plus intéressant au point de vue scientifique".

Je laisse la parole à Adrien Peladan qui décrivit la momie lors de son exposition à Lyon.

 

Le guano est composé d’une forte proportion d’azote, de sels ammoniacaux et de sulfate de chaux. Il n’est pas rare de retrouver dans les couches successives de cette matière des corps d’animaux préservés de la putréfaction car le guano, en recouvrant la dépouille, la préserve des atteintes extérieures qui favorisent la décomposition. Peu à peu les composés pénètrent le cadavre qui devient imputrescible et recouvert de cristaux de sels ammoniacaux.

Ce cas à part montre la diversité des possibilités de préservation d’un corps de façon naturelle. La momie de Cristopher Delano a aujourd’hui disparu mais rien ne dit qu’elle ne réapparaîtra pas un jour quelque part dans le monde.

 

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